Francs-maçons, bas les masques!, artigo do Nouvel Observateur
René Ricol invite les membres des obédiences à faire leur "coming out". Un avis partagé par Alain Bauer, Jean-Paul Delevoye et Jean-Michel Quillardet, qui témoignent.
"Le secret permet toutes les manipulations". René Ricol invite les membres des obédiences à faire leur "coming out". BERTRAND GUAY / AFP
Vous appelez les maçons français à la transparence. Pourquoi ?
- La question qui se pose est assez simple. La maçonnerie cultive le secret, ce qui ouvre la porte à toutes les manipulations et à toutes les désinformations. Quand quelque chose de bizarre, de louche, d'incompréhensible se passe dans ce pays, on dit : "Ce sont les francs-macs." Et personne ne peut vérifier puisque le secret est la règle. Cela crée un écran de fumée qui cache peut-être des malversations plus graves, voire un réseau mafieux dans lequel les francs-maçons ne sont pas en cause. Il y a aussi des gens dont on dit qu'ils sont maçons sans qu'ils le soient. Je sais ce que c'est, cela m'est arrivé !Que préconisez-vous donc ?
- La France a deux voies possibles et complémentaires. La première s'appelle l'autorégulation. C'est une transparence à l'américaine : les maçons disent eux-mêmes qu'ils appartiennent à telle ou telle loge. L'autre voie, plus large, prendrait la forme d'une loi imposant à toute personne qui occupe une fonction publique de se déporter sur quelqu'un d'autre lorsqu'elle est en conflit d'intérêts ou lorsqu'une situation risque de limiter son indépendance, ou même l'apparence d'indépendance. Certains pays - l'Italie et le Royaume-Uni - se sont déjà occupés de ce problème. En Angleterre, il a été demandé aux magistrats et aux fonctionnaires de police de déclarer leur appartenance à la maçonnerie. En Italie, être magistrat et franc-maçon a été jugé incompatible. La Cour européenne des Droits de l'Homme a toutefois fixé des limites en remettant en question, en 2007, une loi adoptée par une région italienne qui imposait à chaque candidat à un poste public de déclarer son appartenance à la maçonnerie. Cela a été jugé discriminatoire. Il faut donc tenir compte de cette jurisprudence.
Nombre de maçons tiennent toutefois beaucoup à ce secret, qui peut paraître archaïque.
- C'est historique. Il est vrai qu'il y a eu des épisodes dans le passé où les francs-maçons ont été menacés. Avant la Seconde Guerre mondiale, il y avait des attaques violentes à leur encontre. Ils ont été poursuivis par le régime de Vichy. Cela légitime toujours aux yeux de certains le maintien de la confidentialité. Mais est-ce un bon argument ? Les temps ont changé. Je remarque enfin que ceux qui sont transparents sont gagnants. Prenons un exemple à gauche, Gérard Collomb [maire de Lyon, ndlr], ou un autre à droite, Xavier Bertrand [ministre du Travail, ndlr]. Le fait que l'on connaisse leur appartenance à la maçonnerie ne leur a pas nui. Au contraire.
Pourquoi lancer cet appel maintenant ? De toute évidence, cette tradition de secret de la maçonnerie française vous dérange depuis longtemps...
- L'élément déclencheur pour moi a été un article du "Point" qui me prêtait un rôle qui n'était pas le mien dans l'affaire Veolia [tentative de renversement de l'actuel PDG, Antoine Frérot, pour le remplacer par Jean-Louis Borloo, ndlr] sous prétexte que j'étais franc-maçon, ce que je ne suis évidemment pas. Cela m'a profondément choqué. Tout d'abord, si j'étais franc-maçon, je le dirais. Ensuite, en raison du secret lié à l'appartenance maçonnique, des manipulations d'informations sont faciles, et ce genre d'affirmation peut jeter le doute sur les conditions dans lesquelles j'exerce aujourd'hui mes missions d'intérêt général, ou dans lesquelles j'exercerai à nouveau mon métier d'expert-comptable demain quand je serai de retour à mon cabinet.
Et, comme il faut toujours s'appliquer à soi-même les règles de transparence, aujourd'hui j'affiche plus ouvertement mon engagement chrétien.